5-9 juin 2023 PARIS (France)
Publier en français, pour qui, pour quoi ?
François Yvon  1, *@  
1 : Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique
Centre National de la Recherche Scientifique, Sorbonne Université, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7222
* : Auteur correspondant

Alors que la langue anglaise est devenue hégémonique pour ce qui concerne la publication scientifique, des voix de plus en plus nombreuses s'inquiètent de cet état de fait et plaident pour une plus grande diversité linguistique dans les échanges scientifiques. C'est le sens par exemple de l'Initiative d'Helsinki sur le multilinguisme dans la communication scientifique, qui vise à attirer l'attention des parties prenantes du système de production et de diffusion de résultats scientifiques sur l'importance de produire et diffuser des savoirs dans le plus grand nombre possibles de langues. Parmi les raisons souvent invoquées: la meilleure “découvrabilité” des contenus scientifiques en français, la transmission des avancées de la science et de la culture scientique vers le plus grand nombre (étudiants, décideurs publics, grand public, etc., et, pour ce qui concerne la langue française, vers l'ensemble des “publics” francophones). Il est aussi parfois rappelé que la primauté de l'anglais entraîne des surcoûts (par ex. de traduction) et amplifie les inégalités entre équipes de recherche. Les arguments pour privilégier l'anglais ne sont pas moins forts, en particulier pour les jeunes chercheurs qui doivent maximiser leur impact international dans la courte durée de leur thèse.

Ce débat prend une connotation particulière en France, du fait du rôle singulier de la langue française dans l'histoire des sciences et de la vitalité de son utilisation dans de nombreuses disciplines des SHS. Ce débat est récurrent dans la communauté TAL, dont les membres se réclament de disciplines variées, avec des pratiques de publications hétérogènes, mais qui toutes se rassemblent autour d'un intérêt très fort pour les questions linguistiques. Pour ce qui concerne l'ATALA, le maintien d'un fort contingent de publications en langue française est pour l'instant assuré par l'obligation faite aux francophones de soumettre en français leurs projets de contribution à la revue TAL et à la conférence TALN. Cette règle, analogue à l'obligation faite de rédiger les thèses en français par la loi Toubon du 4 août 1994 (modifiée depuis par la loi Fioraso du 22 juillet 2013) ne fait pas l'unanimité, et mérite, peut-être, d'être réévaluée.

Les termes de ce débat sont toutefois peut-être en train de changer, avec l'avènement de nouvelles technologies de traduction et de rédaction bilingue, qui laissent entrevoir la perspective, peut-être, de s'affranchir pour nos écrits scientifiques des barrières de la langue. L'initiative ACL@60, qui consiste à mobiliser les technologies de traduction automatique pour augementer la diversité et l'inclusivité des conférences en TAL, est le signe que cette perspective mérite d'être prise au sérieux par notre communauté, dont les membres se trouvent à la fois du côté du producteur et de l'utilisateur de ressources, de modèles et de technologies.


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